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Relever les enjeux humains de la Transformation RSE - les conseils de ceux qui la font (Partie 1)
Propos recueillis par Marthe Cadart, Sophie Blanchet, Fanny Corman et Michaël Dupuis - Avril 2023

Transformer une entreprise ou une organisation publique pour atteindre une ambition RSE, c’est relever de nombreux défis humains : comment aligner un comité de direction sur une ambition commune ? Comment créer une dynamique qui aura un effet d’entrainement sur l’ensemble de l’organisation ? Comment réorganiser ou revoir la gouvernance pour positionner la RSE au bon niveau dans l’entreprise ? Comment s’appuyer sur des ambassadeurs et faire face aux résistances ?

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Directeur de la RSE ou responsable d’un projet à impact RSE, tous les acteurs de la Transformation RSE sont concernés par ces défis, sans toujours savoir comment les relever. IDOYA a interviewé 4 d’entre eux, dans des groupes internationaux de l’énergie, la beauté et la domotique ainsi qu’un établissement public de recherche, sur leur expérience face aux enjeux humains des transformations RSE. Dans le privé ou le public, voici leurs conseils : positionnement, organisation, gouvernance, compétences, écosystème d’acteurs, inclusivité, style personnel… Les nombreuses facettes qu’ils abordent sont traitées en deux articles, dont voici le premier.

 

Conseil #1 : Bien positionner la RSE, au cœur du business et pas un sujet de « nice person »

 

"La RSE c’est l’identification des problématiques business émergentes qui doivent faire l’objet d’une stratégie de long terme : qu’est-ce qui va nous empêcher d’exercer notre business à long-terme de façon durable ? La première étape pour faire entendre un discours et une vision RSE est de la distinguer des donations et de la philanthropie par exemple, et d’être crédible et clair avec des équipes techniques ou business développement."

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"Mon poste a été créé il y a deux ans quand le CODIR a vu que l’environnement devenait un sujet vraiment clé : réglementation plus forte, attentes des clients, la RSE devenait un facteur différenciant. Ce sont des préoccupations très business, et il fallait aller plus loin que ce qui existait alors en philanthropie, qui était découplé du business. L’intuition du CODIR c’était que la stratégie devait s’allier avec la RSE. Globalement en RSE, c’est fini d’être le nice guy, le gentil qui dit « il faut sauver la planète, les générations futures etc. » Pour convaincre en interne, il faut parler business, chiffres, extrapoler l’impact financier d’une réglementation (aujourd’hui telle réglementation c’est 500k€ par an, demain si telle et telle hypothèse se réalise, ça fait fois sept.) Même si ta motivation c’est limiter le réchauffement à 1,5°C, même si tu es drivé par ta motivation éthique, l’enjeu c’est de convaincre et pour ça il faut parler la langue de l’entreprise."

 

"Notre stratégie de Développement durable est ancienne, mais le dernier projet stratégique de l’établissement a marqué un vrai tournant : dans la consultation autour du projet stratégique en 2020, lorsque les agents ont eu la possibilité de s’exprimer, c’est la question qui a suscité le plus de débats, d’intérêt, de propositions,… Il y a eu 2000 contributions sur le sujet, c’était une belle surprise, avec de nombreux commentaires qui disaient qu’il fallait être plus ambitieux : nous avons des collaborateurs très engagés, et militants sur le sujet. Ça a été une prise de conscience forte pour la direction qu’il fallait être très ambitieux. En même temps, il faut toujours sensibiliser les équipes les plus engagées sur le fait que pour avancer, il faut nécessairement faire des compromis, on ne peut pas être des puristes, il faut prendre en compte la vie réelle. Choisir ses batailles, prioriser, être réaliste, c’est aussi ce qui permet d’atteindre concrètement des résultats mesurables."

 

Conseil #2 : S’entourer des bonnes compétences

 

"Pour moi, un des challenges les plus importants lors de ma prise de poste, ça a été de mettre en place la direction de la RSE avec les bonnes compétences. De mon côté, je viens du monde de la recherche et j’avais ma casquette de Directeur des Ressources humaines et du Développement durable : je n’avais pas l’expertise RSE, même si j’apportais la vision d’ensemble de l’organisation et la bonne connaissance des problématiques de l’établissement, ainsi qu’une crédibilité vis-à-vis de certaines communautés de chercheurs. On a complété l’équipe en cherchant une expertise RSE très forte, et on s’est entourés d’experts externes."

 

"Au début, nous avons dû construire notre stratégie RSE très vite, on a fait ça un peu en mode « start-up dans un garage » avec mon chef, et on a trouvé un cabinet de consultants qui étaient sur le même mode parce qu’ils créaient leur cabinet, et un cabinet très expérimenté en RSE. Cet alliage des bonnes personnes et le fait de travailler en direct avec le CEO, nous a permis d’être efficaces."

 

Conseil #3 :  Construire la gouvernance et créer les ponts avec toutes les fonctions

 

"Une équipe RSE a un rôle important de coordination, pour consolider les KPIs RSE du groupe (indicateurs Planet et People, à destination interne et externe) ; en fonction des sujets, soit je coordonne, soit je fais et je coordonne. Par exemple, la filière RH gère l’inclusion, le gender equality, Health & safety… Ce n’est pas mon métier et c’est déjà fait, donc je me contente de coordonner et d’être en mesure de pouvoir défendre tous nos KPIs. En revanche sur d’autres périmètres, je suis théoriquement légitime à me mêler de tout : je dois d’une part prioriser, d’autre part, m’assurer que les passations se font et que le sujet est bien pris par quelqu’un. Il faut aussi être attentif à ménager les envies des uns et des autres d’avoir de la visibilité sur des sujets de RSE."

 

"J’ai une gouvernance RSE 3 étages : le COMEX, avec deux sessions 100% dédiées à la RSE, pour challenger, prendre des décisions, mobiliser ; 1h30 avec le COMEX et leurs N-1 ; l’animation de la communauté. Parmi les membres du COMEX et leurs N-1, j’ai aussi constitué un « Comité Bad Cop », pour m’assurer que ce qu’on promeut à la RSE s’intègre bien dans leur business de tous les jours : c’est un comité très opérationnel, qui se réunit 4 fois par an."

 

"Nous avons positionné le pilier Environnement chez le directeur technique, qui gère l’ingénierie, la production, la logistique… parce que c’est là que sont les leviers opérationnels, dont l’écodesgin, le marketing, l’ingénierie, les processus industriels, les processus logistiques. C’est un rattachement qui m’aide énormément au quotidien. Comme nous ne sommes pas une société cotée, nous avons des exigences de reporting moins poussée et nous avons fait le choix d’accélérer sur la partie environnement. La RH gère les piliers Ethique, Social et la coordination ESG se fait chez les RH."

 

"Les choses existent quand elles ont été communiquées et sur mon sujet, il y a de nombreuses personnes à mettre dans la boucle pour s’assurer d’avoir toujours à la fois le top management et les relais opérationnels pour que les communications aient du poids. Par exemple, notre note sur les nouveaux E-learnings sur la transformation RSE de notre métier a été envoyée à tous les directeurs de marque, tous les directeurs adjoints, tout le réseau RSE du groupe. Il faut passer par la fenêtre, par la porte et la cheminée."

 

Conseil #4 : Construire la stratégie RSE de manière inclusive, en laissant la place aux initiatives individuelles

 

"Sur mon projet, le niveau d’ambition sur la RSE est vraiment co-porté : je n’ai pas une façon descendante de faire les choses, et là c’est très collaboratif. Dans cette collaboration, chacun a sa responsabilité, dans la qualité des chiffres, dans la communication, pour faire avancer des sujets d’innovation… Ce sujet est motorisé pas seulement par l’équipe au Corporate mais aussi par beaucoup de personnes dans la communauté. Il y a 3 ans, ce n’était pas le cas : le sujet était porté localement par quelques personnes qui étaient motrices sur ce sujet ; on s’est appuyées sur elles comme pilotes de notre démarche de déploiement, en valorisant leurs réussites dans un cadre commun d’évaluation de la RSE. C’était porté très officiellement par en haut avec les engagements du Groupe, mais sur le terrain les gens pouvaient trainer des pieds. Aujourd’hui il y a un effet pince, par en-haut avec les engagements Corporate et par en bas avec des solutions qui sont mises en place partout, ce qui fait qu’on ne peut plus dire c’est trop cher par exemple : « si eux y arrivent, pourquoi pas toi ? » Il y a aussi un effet sociétal : en France, maintenant on parle de sobriété alors que c’était un gros mot il y a trois ans, ça aide. C’est un sujet qui enthousiasme, il y a des gens qui sont très moteurs qui me contactent très régulièrement pour savoir si je vais avoir un effectif dans mon équipe. Avec eux, je travaille en latéral, ça renforce la communauté sur de nombreux sujets."

 

"Pour construire notre plan stratégique, nous avons mis en place une démarche participative exigeante : à partir d’un document martyr écrit par le management de l’établissement qui reprenait un certain nombre d’orientations stratégiques avec une dizaine de propositions dont une sur la RSE, il y a eu des contributions collectives issues de débats organisés dans les centres locaux et des contributions individuelles, regroupées sur une plateforme numérique. Vu l’intérêt sur la RSE et la décision de la direction générale, la RSE est devenue une des 3 orientations de notre stratégie.

Lorsque nous avons dû traduire cette orientation en plan d’action, nous avons voulu donner rapidement des gages de concret, et garder le caractère inclusif de la consultation, en valorisant toutes les propositions qui avaient été faites dans le plan d’actions, en ayant des échanges avec l’ensemble des cadres dirigeants, et en mettant en place une pépinière de projets, avec un fonds pour financer des projets qui peuvent venir de n’importe quel collaborateur. Nous nous sommes aussi dotés d’un Comité d’orientation et de suivi, représentant tous nos métiers et des personnalités externes de notre secteur et de la RSE. Après avoir élaboré le plan d’actions, nous avons enfin rencontré toutes les directions locales : à chaque fois, nous échangions avec la direction, les fonctions support et les directeurs métiers pour présenter le plan d’actions, et prendre les remarques, en étant très concrets, et dans le dialogue."

 

Conseil #5 : Construire une trajectoire qui intègre des objectifs ambitieux portés au plus haut niveau de l’organisation et des quick wins pour communiquer sur des résultats rapides qui maintiennent la motivation

 

"Pour construire un plan d’action, il faut bien poser son niveau d’ambition : afficher une ambition trop forte peut poser des questions de crédibilité, au contraire, il faut y aller progressivement en étant réalistes, en intégrant des choses très concrètes. C’est essentiel de bien analyser l’existant pour commencer par ce qui est le plus facile, pour asseoir sa crédibilité par des résultats concrets même s’ils pourraient passer pour pas assez ambitieux, tout en fixant un cap ambitieux. C’est aussi important que ce cap soit porté par la Direction générale, sans ambiguïté. Chez nous, le portage politique de la RSE par la DG et le comité de direction est très fort, et il n’y a pas d’ambiguïté sur le fait que toutes les décisions sont prises au niveau de la direction générale. On peut également se donner le droit de tester des choses, en sachant que certaines marcheront mieux que d’autres."

 

"Il ne faut pouvoir dire au Directeur général d’une BU : « si vous m’ouvrez les portes, dans 1 ou 6 mois vous pourrez dire que… » Ce n’est pas facile, mais il faut assumer la dimension communication, en tirer parti, et concevoir son plan d’action en fonction de ça aussi."

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