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Relever les enjeux humains de la Transformation RSE - les conseils de ceux qui la font (Partie 2)
Propos recueillis par Marthe Cadart, Sophie Blanchet, Fanny Corman et Michaël Dupuis - Mai 2023

Transformer une entreprise ou une organisation publique pour atteindre une ambition RSE, c’est relever de nombreux défis humains : comment aligner un comité de direction sur une ambition commune ? Comment créer une dynamique qui aura un effet d’entrainement sur l’ensemble de l’organisation ? Comment réorganiser ou revoir la gouvernance pour positionner la RSE au bon niveau dans l’entreprise ? Comment s’appuyer sur des ambassadeurs et faire face aux résistances ?

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Directeur de la RSE ou responsable d’un projet à impact RSE, tous les acteurs de la Transformation RSE sont concernés par ces défis, sans toujours savoir comment les relever. IDOYA a interviewé 4 d’entre eux, dans des groupes internationaux de l’énergie, la beauté et la domotique ainsi qu’un établissement public de recherche, sur leur expérience face aux enjeux humains des transformations RSE. Dans le privé ou le public, voici leurs conseils : positionnement, organisation, gouvernance, compétences, écosystème d’acteurs, inclusivité, style personnel… Les nombreuses facettes qu’ils abordent sont traitées en deux articles, dont voici le second.

 

Conseil # 6 : Savoir mobiliser et engager

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« La conduite du changement en RSE, c’est vraiment un travail de soutier : c’est très technique et pas très beau mais il faut respecter les processus clés de l’entreprise. Le budget, les priorités de l’année, le plan stratégique… : à chaque fois il faut être très rigoureux, aller voir tous les acteurs importants pour vérifier que la RSE est bien intégrée avec le bon niveau d’ambition à chaque fois. C’est du management de programme et il faut bien le dire : l’exécution est fondamentale, la belle stratégie ne suffit pas. Il y a énormément d’alignement à faire avec les patrons de fonctions, il faut descendre même dans les objectifs individuels dans certaines fonctions. Ça c’est la méthode assez directive, et elle est essentielle ; d’ailleurs, parfois il faut savoir être un peu dur avec les personnes qui résistent. Mais il y a aussi une attitude plus en influence, plus douce, pour faire basculer les personnes dans ton camp. N’utiliser qu’une attitude c’est se retrouver confronté à des limites. »

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« On a mis en place une auto-labellisation, c’est un label vraiment très approprié dans les équipes, et un fort levier d’engagement, vraiment très puissant en termes de rétention. Ça ne demande pas forcément un énorme effort d’apprentissage mais ça donne de la visibilité et c’est beaucoup utilisé pour la marque employeur. C’est géré par la RH, qui vient me solliciter pour avoir des informations.

Il faut faire attention cependant à ce qu’on a appelé à un moment « la petite RSE » et dont on se rend compte qu’elle ne prend pas trop, et bien cibler des actions qui ont de l’impact. »

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« La phase de mobilisation, une fois que les spécifications techniques compatibles RSE de notre métier avaient été écrites, a été l’occasion de rentrer dans un côté très opérationnel. Nous avons fait des vagues de test and learn qui nous ont permis d’avoir des illustrations opérationnelles et de mettre le pied à l’étrier des opérationnels : ils présentaient à la communauté comment ils avaient effectivement appliqué les spécifications à un projet, comment ils s’y étaient confrontés. On a aussi pu repérer ceux qui faisaient le minimum et ceux qui s’investissaient plus, et lancer avec ces derniers des projets pilotes sur l’étude de la fin de vie par exemple. On est tentés de réinventer des contenus, des outils, mais c’est beaucoup plus important de creuser ce qui existe, d’aller vraiment au fond de ce qui a été fait, et de s’appuyer dessus. Ça demande de renoncer à se rassurer en faisant nous-mêmes mais de diffuser et surtout de s’assurer que les choses sont bien appropriées. Le plus grand témoin du succès c’est quand les gens ont l’impression qu’ils l’ont fait eux-mêmes. »

 

Conseil #7 : Rendre le développement durable sexy et attirant

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« Une autre chose vraiment importante, c’est de rendre la RSE désirable. C’est sûr que personne n’a envie d’avoir des magasins de produits de beauté qui sentent la sciure de bois, mais la question que ça pose, c’est quel est le nouveau désirable. C’est intéressant, parce que chez nous, c’est devenu cool de travailler sur la RSE. Les jeunes générations s’y intéressent donc pour beaucoup c’est devenu un signe de jeunesse de s’y intéresser. Il ne faut pas relier la sobriété à l’austérité, mais au minimalisme, à une autre approche. Pour nous, ça s’est traduit par le fait de bosser le design des outils : passer d’un Excel et 10 fichiers texte très rebutants à un outil qui donne envie, beau, qui intègre une dimension humaine et un certain optimisme dans son ton. Ça s’est traduit dans toute la démarche ensuite, dans les workshops, dans les points de l’équipe projet, c’était les points sympas de la semaine, à la fois « bonne ambiance » et « on avance ». Les présentations à la fin des vagues de test & learn étaient vraiment l’occasion de mettre en visibilité des personnes qui n’avaient pas forcément l’occasion de l’être, y compris de petits pays, dans une période de Covid où on pouvait se sentir isolés. Certains se sont retrouvés vraiment propulsés et ils ont beaucoup apprécié cela. »

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« A un moment, la RSE c’est vraiment une question de culture managériale. Les gens qui sont managers aujourd’hui ont grandi avec une promesse : « plus tu montes dans l’entreprise, plus tu vas avoir le pouvoir de consommer et plus tu vas être reconnu pour ta capacité à consommer ». Être directeur, c’est avoir ta voiture de fonction, ton salaire, tes avantages en nature. Quand on leur parle ensuite de sobriété, de réemploi, d’une certaine forme de décroissance ou de freins à la croissance, on va contre ces représentations, ces conditionnements. C’est un vrai changement philosophique. Sinon, on se retrouve entre autres à projeter des attentes du client qui ne sont pas réelles, par exemple, à projeter une envie de blanc luxe totalement pur qui exclut le plastique recyclé un peu jaune, alors qu’aujourd’hui on a évolué sur le papier recyclé par exemple et tout le monde s’en fiche d’écrire sur du papier un peu jaune. »

 

Conseil #8 : Incarner le sujet soi-même y compris dans son style de travail

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« Défendre la crédibilité de sa démarche RSE, cela demande de l’engagement. Un jour, on présente le plan d’action dans un des centres locaux et un des participants, qui me connait depuis longtemps, me prend à parti : « On a bien compris que c’est la stratégie, mais toi qu’est-ce que tu penses de cette ambition ? » Je suis entré dans un autre registre, en disant ce que je pensais, le fait que j’y croyais, l’ambition que je défendais et en les encourageant aussi à faire remonter leurs retours pour porter cette ambition au niveau de la direction. »

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« Quand on arrive sur le sujet de la RSE et qu’il nous parle, on peut avoir plusieurs approches, ne jurer que sur la technologie (mais on voit que ça ne peut pas répondre à tout), ou privilégier la sobriété. Et dès ma prise de poste, je voulais porter cette manière de faire dans mes nouvelles fonctions. C’est quelque chose que j’ai en tête même dans ma vie personnelle. Avant de le prendre le poste, j’avais rencontré beaucoup de personnes et je m’étais rendu compte qu’il y avait déjà bcp de choses qui avaient été faites, dans les marques dans les pays, très peu diffusées, avec de la frustration, et je voulais en tenir compte.

C’est vrai qu’il y a un taux de transformation pas forcément toujours énorme en RSE mais tu peux avoir des retours tellement épanouissants, des gens qui te disent qu’ils ont trouvé une raison d’être dans leur travail, tu sens que c’est vraiment personnel, et c’est très fort. »

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